Cette fatidique nuit, je me suis endormie.
Je cours. En nage, je cours. Les arbres tordus et terrifiants s’étendent à perte de vue. Leurs feuilles saignent, leur tronc saigne. Je cours, en larme, en nage. Elles me poursuivent. Il fait si noir. J’ai si peur. Trop noir, elles sont là. Elles sont juste derrière moi. Les voix, les ombres. Des tâches plus noires que le noir elles-même. Elles sont partout. A gauche, à droite, derrière moi. Elles m’appellent. Je ne veux pas mourir. Les arbres apparaissent et disparaissent à loisir. Leurs bouches de bois se rient de moi, de ma faiblesse. Elles approchent.
Je n’arrive plus à courir.
Pourquoi sont-elles toujours là ? Qu’est-ce qu’elles me veulent, encore ?! J’en ai tellement assez. Je ne peux plus courir. Je titube, je heurte des arbres, je m’écorche les bras sur leurs dents. Au sol, les ombres me rattrapent, je les vois. Leurs mains terrifiantes me contournent. L’une d’entres elle m’attrape une cheville. Je tombe. Ma tête heurte une racine apparue pour l’occasion. Je me retourne. Je suis finie. Je vais mourir. Les visages terrifiants des ombres s’approchent de moi. Les visages de mes parents. Ici, là. Partout.
Laissez moi tranquille !
Leurs mains me lacèrent. De longues griffures zèbrent ma peau. La douleur est insupportable. Des racines m’empêchent de m’enfuir. Je crie. Je hurle. Je pleure. Une autre nuit insupportable. Si seulement je savais qu’il s’agissait d’une simple nuit. Je vais mourir. C’est tout ce que je sais. Je ferme les yeux. Clouée à une mer de sang.
Alors tu t’amuses bien ?
Je ne comprends pas. Je ne comprends plus rien. La douleur m’empêche de faire quoique ce soit. Même de penser.
Elle est à moi. Va donc t’amuser ailleurs.
Que se passe-t-il ? J’ouvre un oeil. Une petite créature parle à l’ombre. Je sanglote. Les racines relâchent leur étreinte. Je recule. Je ne souffre plus autant. L’ombre monstrueuse au visage de mes parents range ses griffes.
Que se passe-t-il ? Est-ce un moyen de me torturer l’esprit d’autant plus ? Je me réfugie contre un arbre. Si je pouvais m’y enfoncer et disparaître, je le ferai. Mon corps entier n’est que souffrance, un morceau de chair déchiré et sanguinolent. Je ne sais pas parler. Je regarde, fébrilement. Les larmes aux joues, mélangées au rougeoyant sang omniprésent.
T’es qui toi ?
Le ton a changé. L’ombre fait moins peur, avec une voix pareille. Comme si elle avait désactivé un modificateur de voix. J’en profite. Il parle avec le farfadet. Je glisse contre le tronc. Je recule, doucement. Je leur fais face, toujours. Je recule, les fesses au sol, lentement, sur le tapis de feuilles bordeaux.
Je dois en profiter.