Le goût de l'interdit

Mordicus & Cellophane

Méthodiquement j'incise le torse du septuagénaire devant mes yeux. Il a fait une chute mortelle depuis son balcon. Les faits disent qu'il s'est un peu trop penché et a perdu l'équilibre et moi je vérifie bien qu'il n'y ait pas d’ecchymoses qui prouvent qu'on l'a poussé, ou encore de substances dans son corps qui prouvent qu'on l'ait empoisonné ou...clairement, il a fait une crise cardiaque, au mauvais moment, et la hauteur des trois étages l'a achevé. Je repose mon scalpel et je relis mes premières notes avant d'y apposer la suite. Je me tourne ensuite pour examiner les résultats de mes analyses de sang et de peau. Bien. C'est bien ça.

Je repose mon regard sur le cadavre. « M'sieur Raymond, on va vous mettre au lit hein ? » Je me dis que si on me surprend entrain de parler avec les trépassés on me trouvera bizarre, mais les chances sont minimes. Je suis souvent seule ici. Parler à haute voix, c'est pour l’entraînement. Je m'entends vraiment mal, même avec les appareils. Mais bizarrement, j'aime bien ça, entendre ce drôle de résonnement en moi. Puis je compense la nuit, je n'ai plus ce problème. Malgré les horreurs que je dois accomplir, je ressens une grande liberté vis à vis de mon corps. Le monde des Songes...c'est quand même quelque chose ! Je recouds mon patient avant de le replacer dans le casier qui porte son nom.

On me demande souvent si je n'ai pas peur toute seule ici. Non, au moins ces gens-là me foutent la paix, et puis je peux leur inventer des histoires quand je m'ennuie. Ce qui est assez rare en fait. Je regarde l'heure. Vingt-et-une heure trente. Bientôt l'heure de rentrer. Sauf si on m'amène encore un malheureux. De toute façon, je n'ai que ça à faire ce soir, Elizabeth est chez son amie, elle ne viendra pas regarder un film avec moi. Je soupire  de déception et range ma table de travail. Et dire que ça fait déjà six mois que Victoria est dans le coma et elle passe si peu la voir. Mon bipeur sonne, je regarde. J'ai une nouvelle cliente on dirait. Je souris, les tardives, c'est mes préférées. Souvent c'est les autopsies les plus stimulantes à réaliser, beaucoup plus de challenge. Enfin, cela dépend du type de personne.

Jason franchit les portes battantes sans s'annoncer, comme d'habitude. Je lève les yeux au ciel, mais c'est tout ce que j'autorise comme expression à mon visage. Je suis déjà programmée à rechercher les causes de la mort. Jason me dit quelque chose que je n'entends pas mais que je devine comme étant une remarque sexiste sur l'apparence de la femme qu'il m'a amenée au mot « Chaude » que je perçois. « Oui oui.... » je réponds en faisant un signe de tête comme quoi il peut partir. Le drap blanc qui la recouvre, immobile, me fascine. Comme à mon habitude, je m'empare du dossier déjà présent pour le lire. Eve, dix-huit ans, retrouvée dénudée dans les bois. On pense à un viol, mais elle ne semble pas avoir été violentée. Côté premières analyses sanguines, je vais devoir attendre. Je repose le dossier. Ces affaires là sont les plus sordides et celles dont j'aime le moins m'occuper, mais c'est mon travail et...J'aime mon travail.

Je révèle enfin la physionomie de la morte. Sa beauté stupéfiante me frappe au visage. Elle semble dormir d'un sommeil profond. Je touche son cou pour prendre son pouls. Elle est encore vivante ! C'est pas possible ! Il n'y a pourtant rien. Je m'empare du stéthoscope électronique, il n'enregistre rien non plus....alors c'était peut-être ça que voulait dire Jason par chaude....encore chaude. « Mpf... » J'avoue que ça me perturbe. Cette jeune femme vient juste de perdre la vie. Pour que je l'ai déjà entre les mains c'est que ses parents doivent être riches. C'est la première fois que cela m'arrive.... Je..je ne sais vraiment pas par où commencer. J'ai l'impression que je vais lui faire mal.

Je replace une de ses mèches de cheveux avec douceur. La peau de son front est douce. Je laisse alors ma main poursuivre son chemin sur sa joue. Que t'es-t-il arrivé Eve ? Mes doigts poursuivent leur exploration au niveau de son cou, puis s'aventurent à la naissance de ses seins. De jolis seins, ronds, fermes. Ils ont dû en faire tourner des têtes ou auraient dû. Mon regard s'arrête sur son ventre. La peau diaphane me paraît si tendre si....appétissante ? Je déglutis difficilement. Qu'est-ce qu'il m'arrive au juste ? Je commence à saliver. Ce n'est pourtant pas l'heure à laquelle j'ai faim d'habitude...

Je reprends mon auscultation de manière plus sérieuse. Examinant chaque parcelle de son corps avec délicatesse, me délectant du toucher de sa peau malgré moi. Je sens comme un malaise grandissant et en même temps, un appel au fond de moi. Comme un instinct animal enfouit qui se fraie un passage. Alors que mes mains s'attardent sur les cuisses de la jeune femme, je ne peux m'empêcher d'en avoir envie. Je ferme les yeux avant de les rouvrir. J'inspire, j'expire. Je devrais peut-être faire un tour pour me rafraîchir les idées ? Mais elle va refroidir. Une voix insidieuse se fait entendre dans mon esprit. Elle n'aurait plus la même saveur.... Encore. Pourquoi ? Ce n'est pas normal non ? Je..ne fais pas partie de ces gens-là...

Mes mains passent et repassent, pincent presque la peau laiteuse. Je n'y tiens plus. Tremblante, je m'empare de mon scalpel. Doucement j'incise. Le sang qui se met à couler me fait sursauter. Je n'ai plus l'habitude des plaies qui saignent aussi fluidement avec les morts. Mon index vient tremper dans le liquide rougeâtre qui se répand doucement et vient jusqu'à ma bouche. Que suis-je entrain de faire ? C'est délicieux n'est-ce pas ? Je sursaute. Encore cette voix pernicieuse dans mon esprit ! Je m'appuie sur la table, haletante. Oui, mon dieu oui j'aime ça. Mon regard se repose sur l'incision. La chair doit être vraiment tendre à cet endroit là. Je jette un œil à la porte qui me fait face. Il n'y a personne de l'autre côté des hublots vitrés. Les mains tremblantes j’entreprends de découper un morceau de chair.

Je suis tellement tendue que je manque de faire tomber le morceau de...viande mais il parvient jusqu'à ma bouche. J'hésite encore un peu avant d'ouvrir la mâchoire mais finalement je cède. Encore tiède, presque froide, elle a une saveur incroyable. Je sens les larmes qui dévalent mes joues depuis mes yeux grands ouverts, fixés sur le visage de la morte que je viens de déposséder d'un bout d'elle-même sans en avoir la permission. J'ai l'impression qu'une certaine folie s'empare de moi. Je me sens euphorique tout d'un coup. Les battement de mon cœur sont presque douloureux tant l'excitation grandit en moi. J'en veux encore....je ne sais pas pourquoi, mais j'en veux encore ! Je me penche de nouveau vers Eve animée d'une frénésie que je ne me connaissais pas, mais mon scalpel me tombe des mains, et je me fige. Quelqu'un est entré, quelqu'un est là aussi. Mon regard terrifié se dirige lentement vers l’intrus. Mon dieu je voudrais mourir en cet instant.

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Le goût de l'interdit

Mordicus & Cellophane

Mordread. C'est Mordread. Je ne sais pas si cette découverte doit me soulager ou si elle va signer mon arrêt de mort. S'il révélait tout, on m'empêcherait de voir Elizabeth à jamais ! Je serais internée ! Et elle...elle me détesterait....je suis un monstre ! Oh mon dieu pas ça....Ma main pleine de sang se porte à mon visage, venant essuyer les larmes entrain de sécher qui me démangent à présent les joues. Merde, c'est gluant...merde j'ai même pas mis de gants pour cette auscultation ! C'est pour ça que j'ai trouvé sa peau si douce...Non je ne dois pas penser à ça ! C'est horrible ce que j'ai fait ! J'avais pas le droit ! Je n'arrive pas à détacher mon regard de Mordread. Il n'a pas l'air surpris, il n'a pas l'air choqué, ni même dégouté....non...non c'est pas possible ! Ce que je lis sur ses lèvres me scie. « Qu..quoi ? Je..non..je.. » Je ne sais même pas si j'ai produit un son, j'ai le souffle court. Il commence à tourner autour du cadavre comme un rapace puis se sert sans attendre ma permission. Il reproduit mon premier geste. Mais pas comme quelqu'un qui goûte le sang d'un autre humain pour la première fois. Ce n'est pas de la curiosité mal placée, c'est pire que ça ! Mes yeux s'agrandissent encore si c'est possible.

Mon cerveau ne veut pas enregistrer cette information. Non. Impossible. Il savoure avec une....sensualité que je ne lui connaissais pas, ce sang. Et ça me trouble ! Pourquoi ça me trouble ? Il me regarde nouveau, ses prunelles glaciales emplies de défi. Il ne fait clairement pas ça pour la première fois. Mon cœur me fait mal dans ma poitrine. Je suffoque. Je n'arrive pas à admettre cette réalité. Il est encore plus horrible que ce que je pensais ! Comment il peut accepter ça ? La vérité me gifle encore plus fort. Je sais très bien comment. C'est douloureux. Douloureux d'admettre que moi aussi j'ai aimé ça. Moi aussi j'ai aimé le goût de ce sang, la texture de cette chair et que ma seule envie est d'y goûter encore. Pour être sûre que j'aime ça ? Non pour me repaître. Je me sens de nouveau avide, mon regard est irrésistiblement attiré par la cuisse entrouverte. J'essaie de lutter, alors je ferme les yeux, je retiens mes larmes. Je refuse de pleurer devant lui. Il en a déjà trop vu. Impossible de me montrer faible face à cet enfoiré.

Mes poings se serrent, mes bras le longs de mes flans. Quand je vais ouvrir les yeux, tout ça ce ne sera qu'un mauvais souvenir, n'est-ce pas ? Tout aura disparu et j'aurais halluciné ! Je le souhaite de tout mon être, malgré le goût du sang encore trop présent dans ma bouche. Mais peut-être me suis-je mordu la langue sous l'effet de surprise ? Oui ça doit être ça...mais je n'ai mal nul part, il y a juste ce point affreux sur ma cage thoracique, celui de la culpabilité. Tremblante, j'ouvre de nouveau les yeux, tout doucement, mais il est toujours là. Lui et son regard qui semble à présent me déshabiller, voir à travers mon âme. Pourquoi avait-il fallu qu'on me trouve ? Pourquoi lui ? Que va-t-il faire ? Il va me faire chanter c'est sûr, mais...pourquoi je me sens soulagée au final ? C'est pourtant mon pire ennemi ! Mais je sais que tant qu'il est le seul détenteur de ce secret, il est possible que cela ne sorte pas des murs...ou peut-être devrais-je le tuer ? J'ai accès au four crématoire après tout. Personne ne saurais. Peut-être que c'est ça la solution ? Mais que pourrais-je dire à Elizabeth ensuite ? Et à Victoria si elle se réveille ? Je devrais perdre ma sœur une deuxième fois ? Non non impossible ! Mon regard se perd dans les glaciers qui me fixent. Mordread est imperturbable, sûr de lui et pour une fois je me sens incapable de lui tenir tête, pas de répartie, je suis simplement livide et secouée par des tremblements nerveux.

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Le goût de l'interdit

Mordicus & Cellophane

Je sais qu’en cet instant j’ai piqué sa curiosité bien plus que durant toutes ces années où nous nous sommes détestés et envoyé des saloperies à la gueule. Je le vois à son regard. Un regard intense qui me terrifie. Un intérêt dont je me serais volontiers passé. J’ai déjà du mal à assimiler ce qui m’arrive, il n’arrange rien du tout à la situation. Je le hais encore plus qu’avant. Il m’a tout pris ! Cet enfoiré m’a tout pris ! Ma sœur, ma tranquillité, et même mon plus intime secret. Le pire dans tout ça c’est qu’il s’en amuse. Mon désarroi est son plus grand plaisir à ce sadique ! J’ai horriblement envie de pleurer mais je me l’interdit, de toute mes forces je refuse de lui donner mes larmes. Je le vois se servir impunément sur cette jeune femme mais je me sens incapable de l’arrêter.

Ses gestes sont lents, délicats, précis, ils m’hypnotisent et pourtant je sens ce malaise énorme en moi, ce sentiment que ce qui se passe n’est pas normal. Ce mec est malsain ! Totalement malsain ! On dirait un prédateur…Il me fait peur soudain. Est-ce qu’il tue des gens ? Pour les manger ? Je…comment fait-il pour être si calme et si fébrile en même temps. Cette viande le rend totalement différent, je le vois, quelque chose d’intense se dégage de lui. Oh mon dieu il faut que je sorte de là ! Mais je ne peux pas abandonner le corps ainsi, je ne peux pas permettre que quelqu’un surprenne ce spectacle morbide. Mordread semble à nouveau se souvenir de ma présence et je me fige. J’ai un faible mouvement de recul lorsqu’il s’approche de moi.

Il tient entre ses doigt de la chair, cette chair tendrement délicieuse. Il l’approche de mes lèvres, mes yeux se lèvent sur son visage, apeurés, pourtant mes lèvres s’écartent pour accepter l’offrande. J’essaie de soulager ma conscience en me disant qu’il me force à manger, que ce n’est pas moi. Pourtant, je ne fais qu’accepter, il n’y met aucune violence. Je sens le goût du sang se répandre de nouveau dans ma bouche, je ferme un instant les yeux, un frisson me parcoure brutalement tandis que je mâche, que le goût de l’interdit se répand dans ma bouche. J’ouvre de nouveau mes paupières pour regarder mon bourreau, deux larmes s’échappent malgré moi et roulent sur mes joues. Je respire difficilement. Ma cage thoracique me fait mal tant mon cœur tambourine violemment.

Il me fixe avec une fascination malsaine. Il fixe ma bouche, comme si….non il ne ferait pas ça. Sa voix me fait de nouveau trembler. Profiter ? Me calmer ? Il se fout de ma gueule ! Accepte-le. Ma voix intérieure et Mordread ont parlé en même temps. Je crois que c’était ce dont avait besoin ma langue pour se délier. Où était-ce l’affreux surnom dont il m’affuble depuis si longtemps ? Mon regard se charge de colère, je le jauge et soudain mes mains signent pendant que je parle aussi froidement que possible. « Sors d’ici tout de suite ! » Je le vois qui s’apprête encore à se servir. « Ne la touche plus ! » Je ne sais pas pourquoi je rajoute ça. « Sinon je ne vais jamais réussir à couvrir tout ça… » Je crois que j’espère encore être capable de faire appel à sa raison. Si je suis dans la merde, je le traine avec moi, il n’a pas besoin que je lui dise pour le savoir.

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Le goût de l'interdit

Mordicus & Cellophane

Son regard a changé. Bizarrement, j'en éprouve une déception, mais ses paroles ravivent ma fureur. « T'as cru que je choisissais ça ? Si on retrouve sa famille et qu'ils veulent bêtement l'enterrer, je leur dit quoi, qu'elle a disparu par magie ? T'as cru que j'avais pas de comptes à rendre ? T'es con ou quoi ? » Non mais j'hallucine ! Le four crématoire sert à ça ! Pour toi il va servir oui ! Enfoiré ! Et ce mépris pour la jeune femme sur laquelle il se sert comme sur un buffet à volonté ! « Arrête de la traiter comme un bout de viande ! » Je reconnais le comble de ma demande. Ma voix s'éraille dans ma gorge, je le sens, les larmes menacent une fois de plus de couler. Je n'ai pas envie d'admettre que j'ai mangé de cette jeune femme, non je ne veux pas admettre que j'ai fait ça et encore moins que j'ai apprécié. Mon dieu....non...

Il se sert encore, je me sens impuissante mais enfin il m'écoute. Du moins, j'en ai l'impression. Il me regarde de nouveau, je crois qu'il a eu, comme moi, une pensée pour Elizabeth, notre seul point commun sur cette terre...enfin..le deuxième. Je me dégoûte à penser ça. Il me dégoûte. Je me hais. En cet instant plus qu'aucun autre, j'ai presque envie de me livrer moi-même aux autorités. Mais je suis trop lâche pour ça, je ne peux pas renoncer à Eli, ce serait une victoire pour cet enfoiré. Pas moyen que je me laisse faire. Je trouverai une solution, je..je n'y toucherai plus ! J'vais oublier tout ça ! Il n'a pas l'air de cet avis...il rembraye avec sa rengaine du ce que tu dis ne me touche pas et tu n'as aucune importance. Je t'emmerde ducon. Je sais bien que t'en penses pas moins sinon t'aurais déjà été tout cafter. J'suis capable de t'ouvrir le ventre pour prouver que t'as bouffé de cette fille !

« J'ai pas peur de toi. » Faux. Mais je suis en colère, alors on peut facilement le croire. Je t’entraînerais avec moi, peu importe comment. Mais je ne dis rien, je me contente de le fusiller du regard. Je préfère lui laisser croire qu'il a le dessus, ça m'évitera qu'il dise des conneries supplémentaires. Je l'espère...Je redoute le moment où il va rouvrir la bouche. Il n'est pas décidé à partir malgré sa question, je ne peux qu'en être sûre. Est-ce que ça vaut le coup de tenter une réponse censée quand moi-même je suis au bord du pétage de câble ? Quand moi-même je veux fuir cette pièce, oublier ce qui s'est passé, ce que j'ai fais ? Je me moquerai bien de moi-même mais ça me tuerait de lui donner raison. Hors de question. « J'vais la recoudre proprement, finir mon autopsie et écrire mon rapport pour les flics, quoi d'autre ? » Est-ce qu'il se rend compte de la complexité de la situation actuelle pour moi ? Les affaires non closes, les flics, c'est le bordel tout ça.

Je sens son irrésistible envie d'en reprendre. Je le sens aussi bien que j'en ai envie moi aussi, malgré moi. Pourtant je refuse de céder. Il le sait. Il le voit et malgré ça, il piétine encore ma requête et reprend le scalpel pour se servir, comme si je n'existais pas, comme s'il avait posé la question dans le vent. Juste pour qu'on ne puisse pas lui reprocher de ne pas l'avoir fait. Mes yeux s'écarquillent sous la colère. Je ne sais pas ce qui me prend mais je me précipite sur lui pour lui retirer le scalpel des mains. Il résiste malgré sa première surprise. Je lui prendrai coûte que coûte, ici c'est mon terrain, il doit me respecter putain de …. « Aïe ! » Merde ! Du sang, le mien...ma main...oh merde merde merde...

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Mordicus & Cellophane

J’ai tellement peur. Peur de lui. Peur que l’on nous surprenne. Peur que quelqu’un d’autre ne l’apprenne. Je suis terrorisée. Cet abruti ne s’en rend même pas compte. Il se croit si fort, si intelligent. Imbu de lui-même, incapable de se contrôler sous des fausses apparences de maîtrise. Il me repousse, évidemment, à quoi d’autre je pouvais m’attendre ? Mais il a beaucoup plus de forces que moi, qu’est-ce que j’espérais. Je lutte stupidement pour le peu de décence qu’il reste en moi. Il n’abandonne pas la lutte, sa poigne est trop puissante pour moi. Ça m’apprendra. Mon sang coule à présent. Je le vois se répandre sur la main de Mordread. Malgré ses reproches que je devine sans comprendre, je vois son regard changer.

Mon corps entier se met à trembler. Je lutte comme je le peux, intérieurement. Je suis incapable de bouger, les yeux fixés avec horreur sur le visage de cette homme que je pensais connaître, mais au final, je le découvre comme si je venais de le rencontrer pour la première fois. Il prend ma main, presque avec délicatesse, mais suffisamment fermement pour que je ne puisse pas la retirer. La retirer pourquoi faire ? Je suis totalement paralysée par le choc. Il approche ses lèvres de ma main. Je ne sens qu’une infime brûlure à l’endroit où ma peau est ouverte, puis soudain, la chaleur de ses lèvres, la pression de sa langue. C’est douloureux et étrangement agréable en même temps. Cette fois je laisse les larmes s’échapper de mes yeux qui se ferment tandis que ma bouche laisse échapper un soupir plaintif. Je ne peux que me concentrer sur l’étrange sensation qui m’habite toute entière.

J’ai envie qu’il arrête ça. Non…j’ai envie qu’il continue. Je n’en sais rien. Ça me gêne tout autant que ça m’intrigue. Je n’arrive pas à savoir. Il me rend complètement dingue en cet instant. Je sens que mes jambes sont sur le point de se dérober. Je tremble tellement. J’ai du mal à respirer. J’ai la poitrine serrée et mon cœur, ce fou, me fait mal à crever. Soudain ce n’est plus qu’une sensation de froid qui envahit ma main à l’endroit de ma blessure, alors, doucement, j’ouvre les yeux, le souffle toujours haletant. Mon regard perdu où les larmes se sont taries croise celui de Mordread. Je le vois différemment cette fois et cette vision-là me fait peur. Je me fais peur. En cet instant, il m’attire terriblement. Comment est-ce seulement possible ? Inconsciemment, mes doigts se referment sur ceux de Mordread. Comme un appel à rester.

Haletante, la bouche entrouverte, je me mets à fixer la sienne. Je me mets à me demander s’il a trouvé mon sang à son goût. Mon regard retrouve ses prunelles fiévreuses, est-ce que… ? Non…non c’est impossible. Il reste le mari de ma sœur, le père d’Eli, l’homme que je déteste le plus sur cette fichue planète. Pourtant je n’ai plus envie de rompre le contact. J’ai l’impression d’avoir signé un pacte avec le Diable, de mon propre sang.

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Mordicus & Cellophane

C'est dans cette atmosphère magnétique que je me laisse happer, sa main contre la mienne pour seul contact physique, son regard plongé dans le mien. Il n'y a pas besoin de mots pour exprimer l'incroyable violence de notre désir mutuel en cet instant. Mais ça je ne voudrais jamais l'admettre, je me contente de me laisser porter par le moment. Il se rapproche doucement, mon cœur s'emballe un peu plus, il résonne à mes oreilles comme jamais dans mon éternel silence. Pourquoi en ai-je autant envie ? Pourquoi faut-il que je veuille à ce point qu'il franchisse les derniers centimètres qui séparent nos lèvres ? Pourquoi faut-il que je salive à l'appel du sang, du goût de sa bouche que je ne connais pas ? Je n'aurais même pas le temps de fermer les yeux.

Mon sang se glace au sursaut de Mordread. Il s'est passé quelque chose. Quelqu'un est là. Je n'ai rien entendu mais Mordread a toute son ouïe lui. De nouveau, mes yeux affichent la peur. Mais je n'ai pas le temps de réagir que Mordread a déjà bondit vers la porte pour regarder ce qui se passe. Inquiète et incapable d'entendre quoi que ce soit, je guette un retour de sa part, m'indiquant où en est à la situation et à quel point elle est grave. Je jette un coup d’œil à l'horloge derrière moi et constate que c'est l'heure à laquelle le gardien de nuit fait sa première tournée. Il n'ouvre jamais la porte tant que la lumière est allumée. Il sait que j'y travaille et les macchabées c'est vraiment pas son truc. Je soupire de soulagement. Si Mordread fait pas le con, Monsieur Smith ne traversera jamais la porte.

Mon regard se repose sur ce dernier qui n'a pas l'air d'en mener large finalement. Si je n'étais pas aussi stressée j'aurais savouré le moment. Une grande gueule, c'est tout ce qu'il a ! Comment j'ai pu vouloir l'embrasser....Quelque chose dans son allure attire mon attention...Mon regard glisse de son visage à son...Je voulais pas voir ça ! Je secoue la tête pour essayer de sortir de mon esprit cet échange et la vision de la bosse. C'est lui-même qui me tire de mes horribles réflexions. Je le vois qui s'approche de l'interrupteur. Je me précipite vers lui. « Non att.... » Mordicus quel abruti ! Il vient de plonger la pièce dans le noir. Je grimace. Crétin ! Il m'aurait suffit de rabattre le drap sur le corps, le sang sur moi, c'est normal lors d'une autopsie...roh merde.....C'est clairement grillé. J'aurais de la chance si Monsieur Smith n'a pas remarqué le changement...Raaaaah Mordicus tu me tue ! Faut toujours que tu foutes la merde !

Il faut que je rallume et que je sorte de la pièce si le gardien s'approche trop. Je tâtonne le mur à la recherche de l'interrupteur mais dans la précipitation je m'emmêle les pieds et je ne sais pas comment dans ma blouse et tombe en avant. J'étouffe un juron et j'attends avec anxiété le choc, persuadée que je vais me manger le sol en pleine face mais quelque chose de moelleux se présente à la place....J'ouvre la bouche pour râler, autant énervée que stressée à présent, mais impossible de parler.

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Mordicus & Cellophane

Est-ce qu'il vient vraiment de faire ça ? Mordicus vient juste de me bailloner avec sa main ! Non mais j'hallucine ! D'abord statique sous l'effet de surprise, j'essaye de me dégager. Mais il a une sacrée poigne. Je n'ai vraiment pas la force nécessaire pour lutter. Il me plaque contre lui. Je n'ai jamais été aussi près de cet enfoiré. Jamais en toutes ses années. L'odeur de son parfum de marque parvient à mes narines dilatées sous l'effort. Et puis celle du sang, il en a toujours plein les mains. Ça me rend complètement dingue. Je ne sais pas si c'est le mien ou celui de la blonde. Je commence à fatiguer. Me débattre comme une forcenée ne sert à rien. Je pose mes mains sur son torse, j'essaie de me redresser, de m'écarter de lui, mais ça ne fonctionne pas. L'odeur du sang se fait si présente, elle m'obsède. Je crois que dans l'affaire la plaie de ma main s'est rouverte. J'ai du mal à respirer mais Mordread ne lâche rien. Je crois qu'il prend conscience de toute l'ampleur de la situation et de ses paroles grandiloquentes mais en même temps je ne vaux pas mieux.

J'essaie encore de trouver le moyen de me soustraire à son étreinte. Ça me rend complètement dingue. Mes mains s'appuient un peu partout. Cherchant le point sensible qui lui ferait lâcher prise. Soudain je me rends compte que ma main n'est pas à un endroit que j'aurais pensé toucher chez lui. Je sens sous le tissu ce que je n'ai jamais connu. Ça me déstabilise. Je me fige tandis que mes joues chauffent. Pourtant je ne retire pas ma main même si je n'en fais rien. Sa façon de me retenir est différente à présent. Est-ce que....je lui fais...du bien ? Mon esprit refuse d'accepter cette possibilité en même temps qu'il la cherche. Ou alors il est trop têtu pour me lâcher malgré tout ! Je n'arrive pas à croire un seul instant qu'on est vraiment dans cette position.....T'es complètement tarée ma pauvre Celeste ! Non non faut que j'arrête tout ça, que ça s'arrête ! Je retire ma main de là aussi vite que possible et je m'appuie au sol pour essayer de me dégager mais au lieu de ça je me retrouve encore plus sur lui, une jambe de chaque côté. Parce qu'il ne lâche pas l'affaire le bougre.

Ainsi installée contre lui je sens son cœur battre à une allure folle. Ou peut-être est-ce le mien ? Je ne sais pas. Je suis perdue. J'ai arrêté de bouger, je n'ose plus. Sa chose, je la sens contre moi et...je...humpf....C'est étrange. Ma bouche est si sèche... je glisse ma langue contre mes lèvres pour les humidifier, récupérant le sang qui y reste, effleurant ses doigts au passage. Je déglutis difficilement. Je crois que cette substance est dangereuse. Est-ce qu'il a mit de la drogue sur ses doigts ? Pourquoi ne me lâche-t-il toujours pas ? Je ne vais pas crier ! Le gardien doit être parti maintenant ! Cette position est insupportable. Je sens son intimité contre la mienne à travers les vêtements. Cette chaleur qui se répand dans mon corps me trouble. Son torse sur lequel je repose me donne terriblement chaud. Il bouge, ses mains ne me tiennent plus de la même manière. Je me remets à trembler. Mais de quoi ai-je peur ? Et puis soudainement je ne pense plus.

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Le goût de l'interdit

Mordicus & Cellophane

Ses mains m'attrapent le visage, ses lèvres les miennes. J'ai le sentiment que le battement de mon cœur s'est arrêté. Ma respiration se coupe. Mes yeux grands ouverts se ferment tandis que je m'abandonne doucement à ce contact. Je tremble encore mais je ne me débats plus. Ses lèvres sont chaudes. L'image de sa bouche que je fixais avec tant d'insistance me revient, mon cœur repart de plus belle. J'ai ce que je désirais juste avant mais je ne sais pas quoi en faire, je me laisse porter. Ça m'électrise toute entière. Soudain sa langue se glisse contre la mienne. Je me laisse surprendre ne sachant comment répondre. Mais il a l'air de savoir comment on fait. Hésitante au départ mais finalement le désir prend le pas sur l'inexpérience. Sa bouche a le goût du sang mais pas seulement... Je ne sais pas ce qui me prend, mais je n'ai pas envie que ça s'arrête. Je le serre encore plus fort contre moi. L'odeur de son parfum me fait tourner la tête tout autant que son contact rend ce baiser diablement délicieux...Je le désire tellement en cet instant, je crois que je pourrais...

Et puis tout s'arrête. Je ne sais pas combien de temps notre échange à duré mais nous sommes à bout de souffle. Haletante, toujours sur lui, je ne sais pas quoi faire, pas quoi dire, je ne sais même pas ce que je dois ressentir tellement c'est le bordel dans ma tête et dans mon corps. Je n'ai jamais fait ça auparavant. Je n'ai jamais été embrassée avec autant de passion. Parce que je n'ai pas pris la peine de donner sa chance à qui que ce soit, trop occupée à prouver aux autres que j'existe. Je me déteste. Je le sens bouger sous moi, me provoquant une petite grimace de plaisir. Il se redresse légèrement puis la lumière vient m'éblouir. Par réflexe j'enfouis mon visage contre son torse pour me protéger de cette attaque. Mais je réalise alors que ce n'est pas du tout naturel. De nouveau je sens la chaleur de mes joues tandis que le reste de mon corps se fige. Je relève doucement mon visage vers lui et je croise ses prunelles azur. J'entends sa question sans même qu'il ait besoin de la poser.

J'ouvre la bouche pour parler mais rien ne vient. Je regarde un instant ses lèvres. Je culpabilise. J'ai vraiment adoré l'embrasser, j'étais vraiment...excitée. Et lui aussi. Je peux encore le sentir. Mon dieu que c'est gênant. Je me relève le plus rapidement possible en prenant bien garde de ne plus appuyer sur aucune zone dangereuse que ce soit de mes mains ou du reste de mon corps. Que devrais-je dire ? Dois-je m'excuser ? Quelqu'un doit-il seulement le faire ? Tout ça ce n'est qu'un fâcheux concours de circonstances. Je n'aurais jamais dû goûter à la fille pour commencer. Je fuis son regard désormais, les joues en feu. J'ai...j'ai du mal à assimiler ce qui vient de se passer. J'attends qu'il se remette debout à son tour, le cœur battant encore à toute allure, puis je signe seulement, incapable de parler à haute voix. « Pars s'il te plaît. » Je sens bien qu'il ne compte pas en rester là alors je rajoute. « Prends ce que tu veux, mais pars. J'ai besoin d'être seule. » Mon regard le cherche et le fuit en même temps. Je ne suis absolument pas prête à parler de ce qui vient de se produire. Tout mon corps veut plus mais ma raison le retient tant bien que mal. Il est hors de question que je me jette sur lui. Je le hais après tout.

MademoizelleZ

Le goût de l'interdit

Mordicus & Cellophane

Comment fait-il ? Il n'a pas l'air gêné le moins du monde par cette situation. N'a-t-il donc aucune morale ? Il vient d'embrasser la sœur de sa femme ! Il vient...on vient de...raaah on a jamais eu cette relation là avant et ça n'aurait jamais dû arriver ! Comment peut-il être aussi calme. Pourquoi refuse-t-il de partir. N'en a-t-il pas eu assez ? Et moi, pourquoi j'en attends encore. Mon corps ne me répond plus, toujours sous le coup du contact de Mordread alors que dans ma tête se bousculent déjà toutes les questions concernant les conséquences possibles à tout ça. Il a cet affreux sourire aux lèvres. Il se rapproche. Je recule d'un pas mais je me retrouve contre le plan de travail. Impossible de reculer plus. Il me fait face. Mon cœur tambourine de nouveau comme un fou dans ma poitrine. Je me déteste de penser que s'il veut de nouveau m'embrasser je le laisserais faire. Je me hais d'espérer qu'il le fasse.

Il glisse sa main sur ma joue, puis, descend jusqu'à ma gorge, du bout des doigts, jusqu'à la naissance de mes seins. Je frissonne, le suppliant du regard, mais le suppliant de quoi ? D'arrêter ça ou d'aller plus loin ? J'expire en tremblant, tout mon stress et détourne le regard. Finalement il ne fait que lever les bras pour attraper une boite au-dessus de ma tête sur l'étagère. Je suis consternée d'être aussi déçue alors qu'il s'éloigne, son affreux sourire victorieux toujours collé sur sa belle-gueule. Enfoiré ! Je le regarde découper sans vergogne d'autres parties tendres de la jeune femme. J'ai tellement peur qu'il la défigure au point que je ne puisse pas rattraper tout ça. Je me suis rarement sentie aussi mal. Pourtant je ne peux m'empêcher de regarder son visage tandis qu'il est à l’œuvre. Il savoure clairement cet instant. Il se mord même la lèvre. Je l'imite sans m'en rendre compte. Je détourne finalement le regard, attendant qu'il ait fini. De nouveau, il s'approche de moi.  Je frémis avant de lire ses paroles.

Mon visage pâlit tandis que mon cœur s'emballe de nouveau. Et comme si ça suffisait pas, il vient me coller une main aux fesses. De nouveau sous le choc, perdue dans un flot contradictoires de sentiments, je suis incapable de réagir. Je le regarde partir sans se retourner, fier comme un paon. Comme si la pêche de la soirée avait été particulièrement bonne, et le connaissant, c'est certainement le cas. Mon regard se repose sur la jeune femme. L'ampleur des dégâts m'assaille, de plein fouet, tout ce qui vient de se dérouler me met K.O. Une envie de vomir intense me saisit, je me retourne vers l'évier derrière moi qui n'y coupe pas. Tremblante, j'attends encore quelques instants avant de faire mon devoir. Plus jamais je ne mangerais de chair humaine...Oh mon dieu plus jamais.

Les larmes roulent sur mes joues tandis que j'entreprends de faire une reconstruction aussi propre que possible des parties manquantes. Qu'est-ce que j'ai fait ? Qu'est-ce qu'on a fait ? Les sanglots me secouent. Je n'arrive pas à réaliser tout ce qui vient de se produire. La violence de tout ce qu'ai ressenti. Ce corps qui il y a une heure m'hypnotisait, me faisait saliver me donne à présent des haut-le cœur. Je trouve ça insupportable d'y toucher. « Pa...pardon... ». Je sais bien que ça ne sert pas à grand chose, mais j'en ai besoin. Je termine tant bien que mal de la recoudre, j'achève la checklist concernant son autopsie, puis, je l'amène doucement jusqu'à son casier. Je suis à bout de forces mais il faut encore que je nettoie tout ce sang au sol avant de rentrer.

MademoizelleZ