Tu n'es pas mieux qu'eux

Gabriel était jeune. Avec une vie à écrire. Mais un passé empoisonné. Un passé qui n’était pas que ça. Il n’arrivait pas à s’en détacher. Peu importe ce qu’il faisait, peu importe qu’il s’efforce d’oublier, c’était toujours là, à le guetter, à lui revenir à la figure, pour l’anéantir. Et puis, il était toujours là, lui, son ancien voisin, son coup de cœur. Pas là, pour de vrai. Mais son souvenir refusait de s’effacer. Comme gravé en lui. Et Gabriel, il était bloqué dans le passé. Incapable d’avancer. De tourner la page. Parfois, il avait quelques soirées de répit, quand Naila l'amener à droite, à gauche. Elle était assez déjantée pour qu’il oublie dix minutes de se prendre la tête.. Mais c’était jamais très long. Et bien vite, il recommençait à psychoter. Son studio était en train de le rendre fou. L'espace n’était pas assez grand pour lui. D’une famille assez aisé, il avait toujours eu de l’espace chez lui. Une chambre deux fois plus grande que ce qu’il n’avait besoin en réalité. Mais aujourd’hui qu’il avait décidé de se reprendre en main, et seul, il n’avait pas les moyens. Alors il fallait qu’il se contente de ça. Il tourne dans la petite pièce qui équivaut à une cuisine, comme un lion en cage. Puis, dans un élan inconnu, voilà qu’il claque la porte est qu’il se retrouve dans les rues sombres de la ville. A peine vêtu d’un t-shirt assez classique, avec des tâches, comme si on avait jeter un peau de peinture sur lui, et d’un pantalon couleur sombre, le froid mord sa chair, mais il ne s’en inquiète pas. Il était passé à deux doigts de mourir. Là, le froid nous paralyse. Celui de l’hiver ? C’était pas grand-chose à côté. Il regrette sa décision, lorsque à peine éclairé par les lampadaires de la ruelle, cette impression d’être suivi s’empare de lui, lui noue les entrailles. Il n'aime pas ça. Ça lui rappelle de mauvais souvenir. Le ramène encore une fois dans un passé qu’il s’efforce d’oublier pour son bien. Il n’a pas le courage de se retourner. Il avale sa salive, et dans une réaction pour sauver sa peau, il pousse la première porte qui se trouve à sa portée. Sans même vérifier que l’entrée et possible. Il croise les doigts pour pas se faire mettre à la porte. Il se rend compte, qu’après coup, qu’il est tombé dans un bar qu’il connaît pour avoir mis les pieds à plusieurs reprises. Il se faufile entre les tables, tête baissée, pour s’assurer que si la personne qui était dernière lui entre, elle ne le repère pas. Sauf qu’il a beau surveiller la porte, personne n’entre. Et il se demande si ce n’était pas qu’une illusion de sa tête pour le faire paniquer. « Une bière s’il vous plait », qu’il commande au comptoir. Puisqu’il est là, il ne perd rien à commander une bouteille pour faire redescendre la pression qui s'accumule dans ces épaules. Il relève la tête, observe autour de lui dans l’attente de sa commande. Comme à chaque fois qu’il passe, c’est toujours aussi bondé. Il observe la foule. Mais personne qui lui semble familier. Jusqu’à ce que son regard se pose sur lui. Un peu plus vieux que lui de quelques années,  il garde un bon souvenir de leur rencontre. La discussion avait été agréable. Ça faisait longtemps que l’on ne lui avait pas fais sentir qu’il valait autant que n’importe qui. Sa commande prête, il délaisse quelques pièces sur le comptoir et s’en va le rejoindre. Alors qu’il est à quelque pas. « Je peux ? » Il n’attend pas une véritable réponse qu’il s’installe. Pourquoi refuserait-il ? Il avait eu l’air de bien apprécier leur discussion la dernière fois. « Je pensais pas te revoir un jour. Je suis content d’être tombé sur toi. » Il lui offre un sourire et porte sa bière à ses lèvres. « Tu as l’air de t'être bien remis de la soirée » Il sourit, parce qu’il a le souvenir d’un homme assez amoché par la quantité d’alcool ingurgité.  

   
   Tu n'es pas mieux qu'eux
   Gabriel & Damian
WILDBIRD