* La soirée battait son plein. Les personnes présentes, habitués à vendre leurs associations entre autres, tâchaient de trouver de nouveaux financeurs. Comme d’habitude, je me retrouvais au milieu de l’attention de la plupart. Tous essayaient, en vain, de capter mon attention. Je m’ennuyais grandement mais personne n’aurait pu le deviner, cette sensation bien planqué sous ma carapace d’homme d’affaires impitoyable.
J’étais en pleine conversation avec une personne dont le nom m’avait échappé lorsque je la vis pour la première fois depuis un long moment. Parfaitement radieuse, elle semblait illuminer la pièce de sa beauté grandissante de jour en jour. Bien malgré moi, je sentais un poids s’installer au creux de ma poitrine avant de secouer la tête, complètement déconcerté par ce sentiment qui ne m’avait pas quitté depuis notre rencontre, datant de plusieurs années maintenant.
Pourtant, je restais implacable, l’air toujours neutre, voir même encore plus que d’habitude. Je décidais de l’ignorer parfaitement, ce qui en soit était un signe avant coureur et révélateur de ce qu’il pouvait se passer au plus profond de moi-même. Sans doute étais-je aveuglé par le pouvoir pour ne pas remarquer l’inévitable évidence qui pourtant n’avait de cesse de se présenter à mon être. Mais je n’avais pas le temps pour cela, j’étais assoiffé de pouvoir, je ne pouvais donc pas me résoudre à m’abaisser à des choses aussi futiles que.. Cela.
Et pourtant, quand bien même je m’étais juré de l’ignorer, je ne pouvais m’empêcher de jeter des coups d’œils en sa direction, restant néanmoins très discret, comme d’ordinaire. Si j’étais réellement honnête avec moi-même, alors je dirais sans hésiter qu’elle restait ma faiblesse, malgré l’eau qui avait coulé sous les ponts, depuis le temps. Il suffisait de se rendre compte de ce que je pensais, de ma manière de me comporter. Cela crevait les yeux. Et j’étais sans doute le seul à ignorer ce que tout le monde savait.
Autant mes pensées semblaient tendres, autant mes actions étaient dures et sévères. Vers la fin de la soirée, après avoir accordé des subventions à tout le monde excepté elle, ce qui me remplissait en réalité de joie, je me décidais à la suivre discrètement, me glissant au dernier moment dans l’ascenseur qu’elle avait pris, en toute innocence.
Mon regard ancré dans le sien, j’avançais en face d’elle, la forçant pratiquement à reculer si elle ne voulait pas se retrouver trop près du monstre que j’étais. Une certaine tension s’était installé dans l’habitacle tandis que je me demandais pourquoi j’avais fais cela. Je penchais doucement ma tête sur le côté, l’air toujours indéchiffrable. Impossible de savoir à quoi je pensais, ce que je voulais, ce que je désirais. Et puis, au final, tout ceci n’était qu’un jeu qui me divertissait, rien de plus.
Qui vous dit que je ne vous embobinais pas tous en feintant ressentir quelque chose pour elle, si tentés sommes-nous de croire que cela soit possible ? Je riais à cette pensée, continuant à l’observer, sans sourciller, nos yeux respectifs entrant en collision l’un avec l’autre. Je ne prononçais pas un mot, bien trop concentré sur la personne que je voyais. Je cherchais à la rendre mal à l’aise et je pense bien que j’avais réussi lorsque soudain..
BOUM
Je lui tombais littéralement dessus, me retrouvant à califourchon sur elle. Je serrais la mâchoire, me relevant avant qu’un accident arrive. Je me raclais la gorge, passant ma main sur mon costume comme si je souhaitais le nettoyer de ce contact. J’humectais mes lèvres, tâchant de contenir mon envie soudaine de l’étriper quand au regard qu’elle me lançait.
_ « Eh bien, finis-je par exprimer à voix haute, il semblerait qu’on ait un petit problème technique.. »
Je décidais d’en rire, puisque cette situation me plaisait, au final. Je pourrais la torturer comme je l’entendais, pendant un laps de temps indéfini, si j’en croyais ce que je voyais. Si elle était futée, elle pourrait même venir à se demander si je n’avais pas fais exprès que cela arrive, en corrompant un technicien, par exemple..
Les mains dans les poches, j’éclatais franchement de rire, à ce stade. J’étais inconstamment le meilleur, pour la simple et bonne raison que je me remettais souvent en question au niveau de mes techniques de manipulation. Pourtant, comme tout le monde, j’avais une faiblesse. Et aujourd’hui était le moment parfait pour m’en débarrasser. A croire que soit j’étais fou, soit je reniais parfaitement tout ce qui se rapprochait d’un quelconque sentiment. Ou peut être un mix des deux, qui savait ? Tout ce que je savais, cela était que mille idées me traversaient l’idée en cet instant si particulier ou le sens lui même devenait étranger.
Déchirant, dites-vous ? Cela était exactement ce qu’il se passait en moi-même. Déchiré en deux, complètement bousillé sans même m’en rendre compte, brisé par ce que je n’oserais jamais m’avouer. Par pitié, qu’elle ne dise pas un mot. Qu’enfin je puisse me libérer des chaînes qui m’emprisonnait depuis si longtemps que j’en venais à me demander si un jour je pourrais enfin voler.*