Il ne voyait rien, rien de plus que le noir des ténèbres. Il était dans l’obscurité la plus totale mais il errait, sans but précis ni savait vers où il se dirigeait. Mais cela lui était égal pour peu qu’il parvienne à
lui échapper. Il ne le voyait pas mais il savait qu’
il était là.
Il était toujours là. Il sentait
sa présence menaçante, il entendait le grognement venu du fond de
sa gorge et sentait
son souffle contre sa peau.
Il était caché quelque part dans cette masse obscure, attendant désormais le meilleur moment pour sortir de sa cachette et dévoiler ses longues dents blanches, ce moment où il pourrait se délecter de la peur de
son garçon. Ce petit manège dura longtemps, autant de temps qu’
il aura décidé. C’était sa tête mais c’était
son royaume, c’était
lui le maître de la situation. Lui, il n’avait pas d’autres choix que de subir.
Au fil des pas qu’il faisait, au fil du temps qu’il rêvait, les grognements se firent de plus en plus fort au point d’en avoir un bourdonnement incessant dans ses oreilles. Il senti des griffes fantômes lui frôler le dos, il se retourna une première fois : Personne. Une nouvelle fois, quelque chose passa furtivement derrière lui. Il se retourna une nouvelle fois : Toujours personne. Ce fut lors de la troisième et dernière fois qu’il se retourna qu’
il surgit enfin de l’obscurité. Le regard rempli de haine, les babines retroussées de haine laissant les crocs blanc acérées se dévoiler dans le noir, le loup se jeta sur lui sans même qu’il ne puisse réagir. Et quand bien même aurait-il eu le temps, il était tétanisé par la peur. Plaqué au sol par les puissantes pattes du Loup, il était capable de sentir l’odeur putride qui se dégageait de la gueule de l’animal tandis que des filets de baves dégoulinaient sur son visage. La bête sauvage planta ses griffes profondément dans sa chair tandis que ses crocs venaient titiller son cou. Après tout, un cou était si fragile… Il ne suffisait qu’une simple pression, qu’un mauvais coup, une simple coupure au mauvais endroit et la vie était ôtée. C’était un endroit magique, l’endroit idéal qui permettrait au loup d’achever son oeuvre…
Kieran se réveilla en sursaut, le coeur en panique et transpirant à grosses gouttes. Son premier réflexe fut de passer ses mains sur son torse. Il n’y avait aucune trace, pas la moindre égratignure ni la moindre griffure. Son regard balaya ensuite brièvement la pièce avant de soupirer et de se laisser tomber dans son lit. Ce n’était qu’un cauchemar, un énième coup de son grand méchant loup. Kieran côtoyait son loup depuis des années maintenant, mais il n’est jamais parvenu à l’apprivoiser. Il était trop agressif et il ne lui laissait aucun répit. Il était rusé, opportuniste. Il attaquait toujours quand son garçon était au plus bas, toujours quand il était le plus vulnérable. Passant ses mains sur son visage pour tenter de se calmer, il tourna son regard vers le réveil et soupira à nouveau. 4h23. Ce n’était pas vraiment une heure pour se lever, mais avait-il réellement le choix ? Se lever signait la victoire du loup, mais se rendormir serait lui offrir une seconde chance de se rassasier.
Non sans mal, Kieran se dégagea des draps pour se redresser de façon à ce que ses pieds touchent désormais le sol. Instinctivement, il tourna la tête en direction du lit et son regard se posa sur la silhouette qui se dessinait sous les draps. Contrairement à lui, Wayne semblait dormir à poings fermés.
Il y en a qui ont de la chance, songea-t-il sans se douter un seul instant que l’unique responsable de son réveil était à ses côtés. Kieran enfila un boxer avant de quitter discrètement la pièce de façon à ne pas réveiller son amant. Il passa ensuite dans le salon où il attrapa son paquet de clope dans la foulée avant de se poster sur le balcon où il entama une cigarette. Le quartier était encore plongée dans le noir à cette heure là et Kieran se sentait peu rassuré dans l’obscurité mais il avait besoin de prendre l’air et de penser à autre chose qu’à
lui.
Accoudé à la rambarde du balcon, l’architecte eut le temps de fumer une première cigarette et d’entamer une deuxième quand il entendit une porte se refermer dans le salon. Effrayé, il se retourna aussitôt.
“Hey…”Fit Kieran avant qu’un léger sourire rassuré ne se dessine sur ses lèvres quand il reconnut le visage de Wayne dans la pénombre. Une petite part de culpabilité se fit cependant ressentir. Malgré toutes les précautions qu'il avait prit, il avait réveillé son amant. Mais Wayne n'avait pas à subir les conséquences de ses cauchemars, il avait le droit d'avoir une vraie nuit de sommeil.
“Je suis désolé si je t’ai réveillé.”S'excusa-t-il en écrasant son mégot de cigarette dans le cendrier prévu à cet effet puis il reprit sa position initiale. Ses yeux bleus se fixèrent ensuite sur les quelques étoiles visibles à travers les nuages, laissant échapper un énième et bref soupir de fatigue.
“Je n’arrivais plus à trouver le sommeil… J’avais juste besoin de prendre l’air.”