Gabriel & Will

Lendemain difficile

William & Gabriel

Un déchet humain, voilà ce qu'était Gabriel ce matin. Fixant son verre où fondait un cachet blanc effervescent, il remettait toute sa vie en question. "Ce n'est pas grave, ça arrive ... On remettra ça un autre jour !" furent les seules et dernières paroles de la greluche qui venait tout juste de quitter son appartement. Sérieusement ? Cette pétasse avait osé lui dire ça ? Putain, ça craignait pour sa réputation. Néanmoins, il n'avait aucun souvenir de cette soirée, signe qu'il avait sûrement dû abuser sur l'alcool. C'en était presque triste. Depuis quand ne tenait-il plus la cadence ? La quarantaine approchait à grands pas, c'était peut-être ça la raison de sa pitoyable performance. Fait chier ...

Le professeur avala d'une traite la potion magique qui devait, normalement, lui retirer ce pie-vert batifolant dans son crâne depuis son réveil. Son estomac se tordit lorsque le liquide arriva et il dut retenir avec violence un haut-le-cœur. Punition corporelle de ses excès de la veille. Il s'affala tel un lamantin obèse sur son canapé, le visage enfoui dans un coussin. La honte. Il tenta de se rappeler de cette soirée mais c'était le Black-out complet. Seules deux trois images peu reluisantes lui revint en mémoire et il décida de les chasser, ayant déjà bien assez mal à la tête. Un long soupir suivi d'un grognement étouffé s'échappèrent de cette loque humaine. Trop vieux pour ce genre de connerie ...  

Une impression d'avoir oublier quelque chose d'important fit surface. Rien de plus désagréable que cette sensation entêtante qui ne vous lâche pas. Gabriel avait beau retourner le problème dans tous les sens, impossible de mettre le doigt dessus. Jusqu'à ce que son portable vibre sur la table basse et lui donne la réponse avec le texto d'un collègue : "T'es où ?". Un vide abyssal vint remplir le regard du Gardien qui tentait de déchiffrer ce message codé avant que l'ouragan de la compréhension prenne possession de lui.


Oh putain de bordel de merde ! Il se leva en catastrophe, manquant de se péter les dents sur le parquet en se prenant les pieds dans ce connard de chat qui traînait sur le sol. En retard. Il était grave en retard ! Pensée positive : Il n'aura pas à subir le discours interminable et les vœux de ce cher directeur qui lui courait sur le haricot. Cela dit, il risquait un blâme et vu qu'il les accumulait - Bien souvent pour insubordination - l'avertissement n'était pas loin. Perdre son boulot à cause d'une cuite édifiante ne lui plaisait guère.  

L'adrénaline coulait dans ses veines. La douche fut expéditive et il se vêtit d'un jogging et d'un hoodie à capuche. La classe, n'est-ce pas ? Au moins, il pouvait cacher ses traits tirés et sa gueule de bois. Une fois dans sa voiture, il pu souffler un peu et conduisit jusqu'à l'université. Une heure de retard ... Il avait fait bien pire. Les couloirs étaient vides, les jeunes étant encore en vacances, eux ! Quelle idée de faire une réunion le lendemain du nouvel an ? Ce mec n'avait pas de race ... Ou alors c'était un frustré de la vie, voire les deux ! Ouais, probablement les deux.

Gabriel se dirigea vers l'amphithéâtre où se déroulait les festivités et pensait naïvement se glisser à l'intérieur sans attirer l'attention. C'était sans compter les vieilles portes battantes qui grincèrent lourdement à leur ouverture. Pour la discrétion, on repassera. Bien évidemment, tous les regards se tournèrent vers lui et sans un mot, il s'installa au fond. Il comprenait maintenant la gêne qu'avait ses élèves quand l'un d'eux loupait son réveil. Great !

Il ne se démonta pas pour autant et préféra faire la sourde oreille quand son chef lui fit un sermon. En vrai, il s'en foutait un peu et l'ignorer lui permettait de ne pas lui répondre de manière impulsive. Même si l'envie était furieusement présente. Mains dans les poches de son sweat, il pris place sur un siège ayant vraiment l'impression d'être un petit con rebelle. Tant pis, il se rattrapera plus tard, quand il se sera remis de cette cuite monumentale. Donc dans environ une semaine ... Putain de quarantaine à la con ! 

Une touffe juste devant lui le fit tilter. Boucles d'or ? Dans le fond ? Le professeur pensait pourtant que le littéraire était plus un premier de la classe. Il se pencha en avant puis lui souffla doucement à l'oreille :

- J'ai loupé quelque chose d'intéressant ?

Son parfum vint lui titiller le seul neurone encore vivant, bien qu'amoché, lui remémorant un vague souvenir flou de la veille. S'étaient-ils croisés ? Bizarre ... Il n'en avait pas la moindre idée.


  

Gabriel & Will

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William & Gabriel

- Rien... Rien d'important.

Rien qu'au son de sa voix, Gabriel savait que le littéraire avait autant morflé que lui la veille. Et lorsqu'il se retourna pour le regarder, la gueule qu'il tirait affirmait cette pensée. La mine basse, le regard vitreux, il semblait se voir dans le miroir. Le bouclé avait l'air ravi d'être à cette réunion, tout comme lui d'ailleurs. Malgré le fait qu'il soit un lève-tôt, il aurait fort apprécié quelques heures de sommeil en plus afin de bien décuver et de ne pas ressembler à une loque. Il n'avait plus qu'à prier que le directeur se bouge à déblatérer sa merde qu'il ressort toutes les années. Au mot près ...

- T'as le moindre souvenir de ce qui s'est passé hier soir ?

Ah. Donc Gabriel avait vu juste, ils s'étaient bien croisés hier. Il tenta de refaire le fil de la soirée, sans trop de succès. William paraissait ... Gêné. Pourquoi ? Qu'avaient-ils fait ? Il le dévisagea un instant, cherchant dans ses traits une réponse, comme si la clé de sa mémoire scellée se trouvait là.

- Juste un très vague souvenir. Je me rappelle juste que t'étais là et ...

C'est là qu'il la remarqua, cette marque mal dissimulée dans son cou. Tout semblait lui revenir. La musique trop forte, la piste de danse, l'alcool entêtant et surtout Boucles d'or chaud comme la braise. Oh. Cela restait assez flou mais Gabriel savait qu'il n'avait pas gardé les mains dans ses poches. Les lèvres pincées, il retint de justesse un sourire amusé. Il se faisait sûrement des films.

- ... Et pas grand chose de plus. T'as l'air bien plus au courant que moi, raconte !

Il attendait d'avoir sa version des faits avant de confirmer ses doutes. Un détail beaucoup moins subtile attira son regard. Une main féminine sur sa cuisse appartenant à la jolie blonde à ses côtés. Il arqua un sourcil. Lui, au moins, avait dû gérer son after, le chanceux ! Enfin chanceux ... Connaissant la belle, Nancy si ses souvenirs étaient bons, même lui il ne s'y frotterait pas. Après avoir échangé quelques fois avec elle, niveau pénibilité, elle avait du level. Mais tout ceci remettait sur le tapis le déroulement de la soirée d'hier. Si le littéraire avait fini avec la blondasse ... Que s'était-il vraiment passé ? Le trou noir ne faisait que de s'épaissir avec cette nouvelle donnée.

- En tout cas, tu ne perds pas de temps ... A peine arrivé et déjà bien loti, dit-il dans un murmure ironiquement amusé, T'es un champion toi !    

 

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William & Gabriel

- Je me souviens pas de grand chose. Je crois qu'on a passé une partie de la soirée ensemble mais après c'est le flou total.

Gabriel plissa les yeux. Il sentait bien que le brun lui cachait quelque chose et si c'était le cas, cela ne devait pas être très glorieux. Intéressant cette réunion, tout compte fait ! Il fallait qu'il recolle un à un les morceaux flous de cette soirée. Déjà, ils étaient en boîte, c'était une certitude. Nouvel an oblige. Le scientifique était venu seul mais parti raccompagné, même si cela avait été un désastre. Au milieu, William confirmait qu'ils s'étaient vus. Il se souvenait aussi d'une bouteille de vodka partagée avec une nana puis à partir de là, le néant. Réfléchit, Gab, réfléchit !

- Ouais... Ce serait mieux si je me rappelais de comment est-ce qu'on a fini ensemble.

Il jeta un coup d’œil à la blonde qui venait de les sermonner. Au vu du rire faux jeté par le bouclé, cette situation semblait l’embarrasser. Lorsqu'on assurait, il fallait ensuite assumer ! Un léger soupir moqueur lui échappa et il secoua la tête.

- T'as qu'à lui demander, elle semble bien plus fraîche que nous !

Boucles d'or lui redemanda s'il se souvenait vraiment de rien. A croire qu'il voulait absolument que ce soit le cas. Malheureusement, face à ses réactions et les indices qui poppaient dans son esprit, tout commençait à prendre forme. Il ne s'était pas arrêté à la vodka, non. Sa gueule de bois témoignait de beaucoup plus d'alcool. Son black out de beaucoup plus fort. Des shots ! Ses yeux s'ouvrirent en grand, comme s'il venait de comprendre le sens de la vie. Mais bien sûr ! Tequila, citron, la base ! Ah putain ! Sa mémoire se déverrouilla et les souvenirs coulaient petit à petit, au compte goutte, dans sa conscience. D'un doigt, il tira légèrement le col de William pour avoir un meilleur visu de la marque sur son cou. De sa marque.

Le doute n'était plus possible. Il relâcha sa prise et souplement, il glissa sur la table pour rejoindre l'étage inférieur et s'asseoir à côté de lui. Gabriel se rappelait à présent. Pas de tout. Pas dans le détail. Mais dans les grandes lignes, il savait. Les baisers, la danse, son corps collé au sien dans une demande toute sauf amicale. Désolé Boucles d'or, t'es grillé. Loin d'être choqué, il préféra jouer la taquinerie malgré la présence de sa nouvelle copine :

- Et moi, je me demande comment est-ce qu'on a pas fini ensemble ...
 

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- Je croyais que tu ne te souvenais de rien ?

La surprise du littéraire arracha un rictus amusé à Gabriel. Il est vrai qu'il a mis un moment avant de capter mais de toute manière, il se serait bien rappelé de cette soirée un jour ou l'autre. Au moins, il ne se cassera pas la tête pendant des semaines, c'était un bon point. Cela dit, William ne semblait pas plus enchanté que ça, ce qui dans un sens, pouvait se comprendre.

- On a clairement trop bu hier. Ça faisait longtemps que j'avais pas pris une cuite de cette ampleur.

Beau préambule avant d'attaquer le sujet principal. Certes, leur murge était incroyable ... Étonnant d'ailleurs qu'aucun des deux n'ait fait un coma éthylique. Engloutir autant d'alcool n'était pas dans ses habitudes, juste que là, il en avait eu besoin. Pour décompresser. Pour oublier tout le bordel qui gravitait autour de lui. Il ne regrettait pas du tout. Sauf la gueule de bois inévitable, fourni dans le pack d'un nouvel an arrosé.

- Désolé j'ai... déconné. J'avais beaucoup trop bu. J'avais plus vraiment conscience de quoi que ce soit.

On y arrivait ... Voici venir temps des excuses bidons. "J'ai trop bu, nyahnyah, c'est la fauuute de l'alcool, nyahnyah ...". A d'autres ! Il était l'archétype du mec qui n'assumait pas. Bordel, il n'avait plus dix ans ! Ils avaient juste passé une bonne soirée, point. Pas la peine de faire un discours mélo-dramatique pour justifier ses actes ! A croire que de laisser parler son désir, même rond comme une queue de pelle, était devenu tabou chez tout le monde.

- T'emmerdes pas à t'excuser avec moi, ça prend pas. Personnellement, j'ai passé une super soirée ! Du moins, de ce que je m'en souviens.

Il délaissa un instant son interlocuteur pour poser les yeux sur le directeur, faisant mine de l'écouter. Se faire de nouveau remarquer n'était pas dans son intérêt. Il lâcha tout de même, après quelques secondes de silence :

- Et ne viens pas me dire que tu regrettes ... Là non plus, ça ne prendra pas.

Gabriel & Will

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William & Gabriel

- Je n'ai jamais dit que je regrettais. Moi aussi, j'ai passé une excellente soirée. J'avais clairement besoin de ça hier soir. Me vider la tête. Ça m'a fait un bien fou, honnêtement. Même si je me serais bien passé du mal de tête de ce matin.

Au moins, ils étaient sur la même longueur d'onde, c'était déjà un bon début. Gabriel nota que le littéraire avait lui aussi besoin de décompresser. Le stress d'un trop plein de changement ? Peut-être. Ou alors, c'était tout autre chose mais il se montrait très taciturne sur sa vie privée. A vrai dire, il ne savait rien de lui mais cela ne le dérangeait pas. C'était réciproque en fait. Leurs échanges n'allaient pas au-delà de banales conversations, avec certes un petit dérapage la veille. Mettre des barrières pour se protéger, voilà un point commun solide entre les deux hommes.  

- Toi aussi t'es rentré avec quelqu'un finalement ?

Cette question fit grimacer le gardien. La réponse était bien évidemment oui mais au vu des commentaires de la demoiselle au petit matin, il aurait préféré rentrer seul. Ce n'était pas glorieux ! D'une main, il se massa la nuque tout en soupirant :

- Ouais. J'ai eu cependant la chance que ce ne soit pas un pot de colle comme toi. Félicitation pour ta nouvelle relation !

Un brin sarcastique et loin d'être dithyrambique, il lui offrit un léger sourire moqueur. Il jeta ensuite un coup d’œil vers Nancy qui le fusillait du regard. Oups, avait-il parlé trop fort ? Gabriel haussa les épaules pour montrer son indifférence envers elle puis sortit un calepin de son sac. Se faire virer de la salle pour bavardage intempestif serait un comble pour un professeur ! Stylo à la main, il griffonna rapidement un mot avant de le faire glisser vers son collègue, plutôt satisfait.

"Si jamais tu changes d'avis ... Tu sais où j'habite !"

Gabriel & Will

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