Lorsque j'entre dans mon appartement je trouve une enveloppe sous la porte. Bizarre... pourtant il faut avoir le code pour entrer ici, et il n'y a pas grand monde qui l'a. Évidemment quelqu'un aura pu obtenir le code lorsqu'il entrait avec moi, c'est toujours possible. Intriguée par cette lettre je m'installe confortablement dans mon canapé, les sourcils froncés, et j'ouvre l'enveloppe avec délicatesse.

Première chose : la signature « l’homme qui pourrait être le tien. » Wow wow wow, wait ! C'est un psychopathe ou un pervers qui doit avoir fait ça... Cependant je décide de ne pas m’arrêter aux apparences donc je débute ma lecture. Il savait que je lirais la signature en premier... et je vais de surprises en surprises en lisant la lettre. Je ne devrais pas me sentir proche de lui et pourtant c'est le sentiment que j'ai : il me connaît par cœur. Il a deviné mes réactions et il connaît les deux parties de ma vie – l’hôpital et le bureau. Il connaît même la petite blonde de la cardio... Si au début je pensais à quelqu'un de Taylor Industries, à la fin de cette missive je pencherais plutôt pour quelqu'un de l’hôpital. Mais qui est donc cet homme si mystérieux ? Ca m'énerver par dessus tout de ne pas savoir, de ne pas avoir le contrôle de la situation... il détient le pouvoir en me cachant son identité et en avouant tout connaître de moi.

Finalement je sais que je ne peux pas l'ignorer. Les phrases écrites à l'encre m'ont profondément touchée... Un homme qui me connaît aussi bien – toutes les parties de mon existence – et qui fait naître instantanément un sourire sur mon visage ne peut pas être ignoré. La première chose que je fais est de consulter l'heure : il est encore temps d'acheter un dahlia. Je vais en coincer un dans mon chignon demain, guettant mon admirateur secret. Au bureau je porterai ma petite robe de satin en espérant décrocher un sourire de sa part, bien que je ne saurais pas quand il le remarquera.

Spoiler:

L'homme dont tu feras tout ce que tu désires... C'est encore une lettre de mon admirateur secret. L'appeler ainsi me donne envie de rire parce que c'est si... enfantin. J'ai l'impression d’être une petite fille à l'école primaire, dont l'amoureux veut tâter le terrain avant de se déclarer. C'est trop mignon. Je rougis en lisant le reste de la lettre. Je l'ai attendue, celle-ci, après avoir mis ce dahlia dans mes cheveux. Pourtant ce n'est pas encore maintenant que je saurais l'identité de celui qui tient la plume. C'est à la fois décevant et exaltant : le mystère plane autour de ces lettres et j'adore ça, même si je n'en contrôle rien. L'idée que ce soit une blague ne m'a même pas effleuré, un canular ne serait pas si informé sur ma vie. Tu as quelque chose qui me rends fou, absolument fou de toi. Ton sourire, ton rire et ta façon d'être avec les gens. Tu es un diamant brut. Ceux qui t'ont eu avant ne te méritent pas. Tu es un oiseau merveilleux duquel il faut prendre soin et personne n'a su faire ça. Je lis et je relis ces phrases poétiques. Il s'agit forcément de quelqu'un qui a un lien avec le monde littéraire, ou qui en a fait sa passion. Je me creuse la tete encore une fois mais je ne trouve rien d'autre que le noir complet. Une troisième lettre pourrait me mettre sur la piste... Je consulta rapidement Internet avant de me diriger vers le fleuriste qui, je l'espère, est encore ouvert. La page internet reste ouverte sur le langage des fleurs, demain je porterai une anémone dans les cheveux, signe de persévérance et de joie sincère.

Evidemment que l'anémone était pour mon admirateur secret, qui d'autre irait se mettre une fleur dans les cheveux alors qu'elle dirige une entreprise ? Gabriel aussi l'a remarquée, cette fleur. Il n'a pas fait de commentaire mais je pense qu'il a trouvé cela un peu étrange. Celui qui a écrit cette lettre affirme que je rayonne ces derniers temps. La cause de ce revirement soudain me parait plus qu'évidente : mettre les choses au clair avec Gabriel m'a libérée des chaines qui m'entravaient. Des chaines semblables à un mur nous séparant, mur que j'avais moi même érigé pour me protéger. L'ancien journaliste a su trouver les mots justes pour me convaincre de sa volonté à ne pas tout faire foirer. Mon cœur s'est allégé d'un grand poids. Cependant je me refuse à jouer sur les deux tableaux : cet " admirateur " connait ma vie sur le bout des doigts et mon cœur balance. Quelque part j'espère que les choses se simplifieront d’elle-même. Peut-être que l'écrivain en herbe est laid ? Méchant ? Arrogant ? Un vrai connard ? Et que ça ne va pas marcher... ainsi je pourrais profiter de cette idylle naissante avec Gabriel. Mais ces lettres m'ont redonné une confiance perdue depuis peu.

Qui est-ce ? Il veut que je découvre seule son identité, il est dingue ou quoi ? Comment je pourrais connaitre quelqu'un qui m'épie secrètement ? Le but d'un admirateur secret c'est que l'objet de cette admiration ne sache pas qui il est, non ? J'essaie d’arrêter de me poser ces questions, parce qu'inlassablement je reviens à la même question : qui est-il ? Selon son approche, il serait le grand méchant loup qui ferait peu à l'oisillon que je suis. Qu'on se rencontre et nous verrons qui est l'oisillon.

Cette fois-ci il signe  "l'homme dont tu fera ce que tu veux"... ses signatures sont toujours touchantes, je garde précieusement ces lettres dans une enveloppe pour les relire en cas de coup dur. Sans doute fait-il la même chose de son coté ? En tout cas j'irai à cette rencontre. Je me demande déjà ce que je vais porter... il dit aimer mes tailleurs mais la simplicité reste ma meilleure alliée. Je planque la lettre dans un tiroir en entendant Gabriel entrer dans la pièce. Inutile de sourire, celui qui s'est dessiné sur mon visage pendant cette lecture ne s'est pas évanoui...